Pas gros et gras

La fin de l’été a passé vite. C’est avec la famille et les amis que j’ai pu me ressourcer, me reposer et évacuer l’après Rio. Passage obligé par Toulouse chez Cédric pour faire la tournée des popotes. Restaurants, bars, visites chez les amis. Accessoirement, nous avons ramé en double pour se préparer pour le championnat de France que nous avons couru sous les couleurs de l’Aviron Toulousain. Ce fut un vrai plaisir de se retrouver, de passer du temps ensemble sur et en dehors de l’eau. Certains pouvaient voir cela comme une tournée d’adieu ou une sorte de baroud d’honneur.

Pour nous, ne sachant pas ni l’un ni l’autre quelle suite donner à nos carrières sportives, ce fut peut-être l’une de nos dernières opportunités de courir ensemble avec les bons restes de nos préparations olympiques respectives. Nous étions en tout cas comme deux gamins, heureux de ramer ensemble comme si de rien n’était. Quatre années que nous avons laissé le deux de couple mais nous avions quelques bons automatismes. Nous finissons 2e sur le bassin de Gravelines, dans une course remportée par Avignon et un Jérémie Azou encore en pleine forme semble-t-il.

 

Rentré au Canada, je me suis préparé pour la Head Of the Charles Regatta. La plus grande régate d’aviron au Monde est un endroit où j’aime courir. Et en cette période, les berges bostoniennes et les méandres de la rivière Charles sont dignes des plus belles peintures automnales. J’ai eu l’immense honneur d’avoir été appelé pour monter pour la deuxième fois à bord du Great 8. Le concept est simple. Regrouper les meilleurs coupleux du circuit international et ramer en 8 ensemble. Les critères de sélection sont à la fois objectifs et totalement subjectifs puisque cette année, il fallait être rameur de couple (2 rames), avoir participé aux Jeux Olympiques de Rio, avoir une expérience en pointe (une seule rame), être sympa et être un minimum entraîné. « Pas gros et gras » selon les propres mots d’Olaf Tufte.

Great8 2016

Photo credit: Rowing Celebration


C’est donc avec James McRae (Australie), Alan Campbell (GB), Damir Martin (Croatie), Mahé Drysdale (NZ), Olaf Tufte (Norvège), Rob Gibson (Canada), Eric Johannesen (Allemagne) et le barreur Peter Wiersum (Pays-Bas) que j’ai eu le privilège de ramer. Eric Johannesen était toutefois l’exception qui confirme la règle puisqu’il était à la nage du 8 allemand à Rio et n’est donc pas un coupleux de formation. Mais ayant deux défections de dernière minute (Valent Sinkovic et Angel Fournier Rodriguez), il était disponible pour venir à notre secours en dernière minute. Ce genre d’initiative, soutenu par l’organisation de la régate, Hudson Boat Work et Concept2, est très bon pour notre sport. Cela montre au monde de l’aviron et du sport en général que le sport rapproche, crée des liens au-delà des frontières et que malgré des rivalités qui, pour certaines, auront marquées l’histoire de l’aviron, ce qui reste après c’est la simplicité et le plaisir de ramer ensemble. C’est dans cet état d’esprit que j’ai aussi eu l’opportunité de pouvoir ramer et concourir le samedi en double avec James McRae. James était dans le quatre de couple australien à Pékin. Pour 34 centièmes de seconde, nous leur prenons la médaille de bronze. Depuis il s’est bien rattrapé avec du bronze et de l’argent à Londres et Rio. Au pied levé, ce fut un vrai plaisir de ramer ensemble. Je dois même dire que cela pourrait être un double prometteur. Nous finissons 2ème devant Olaf et Mahé et derrière un excellent bateau de Penn AC.
Le lendemain, c’est donc en huit que nous avons descendu le parcours. Mais cette fois, ce fut plus compliqué. Le vent violent, notre manque de préparation en équipage et les vacances ne nous ont pas aidés. Nous finissons 7e, loin derrière les universités américaines qui étaient, pour sûr, préparées et affûtées mais devant le Leander Club, le bateau Anglais composé des champions olympiques en huit et quatre sans barreur de Rio. La leçon à retenir est que l’entraînement paye et que le non-entraînement se paye. Le Great 8 a connu 2 victoires et 2 défaites depuis le lancement en 2009. Les deux défaites sont en 2012 et 2016 quelques mois après les Jeux. Mais bien au-delà du résultat brut, nous avons passé une excellente semaine à Boston. Nous nous sommes amusés et cela m’a rappelé pourquoi j’aime mon sport et pourquoi après 17 ans d’aviron, je suis encore là.

 

Maintenant, retour au Canada. Un retour dans l’inconnu. L’avenir n’est absolument pas écrit. Les opportunités et les options sont nombreuses. Les années post-olympiques sont toujours des années charnières. Je sais que j’ai besoin de temps pour moi, pour ma famille. Je sais ce que coûte une préparation olympique tant mentalement que physiquement.
Et puis il y a les aspects politiques, stratégiques et organisationnels que je ne maîtrise pas nécessairement. Quel projet ? Quel environnement ? Quels moyens ? Mais aussi et surtout quelle envie et quelle motivation de mon côté ?
Autant de réponses que je n’ai pas encore.

 

« L’aventure continue... »